On vante souvent le jeu indé comme l’une des forces de la génération qui tire cette année sa révérence. Mais personnellement, je ne partage pas cet enthousiasme démesuré car pour moi ce fut aussi synonyme de grosses déceptions. Si Limbo, Braid et Trials ont tenu leurs promesses, des titres comme Flower ou Journey n’ont eux jamais réussi à me toucher comme la grande majorité des joueurs. Après un début janvier râté, est-ce que l’encensé Brothers : A Tale of Two Sons saura me réconcilier à la fois avec la période des soldes et avec la scène indé?
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Brothers, c’est avant tout une brillante histoire d’amour, celle de deux frères inséparables et prêts à tout pour aider leur père malade. En quête d’un remède, ils se lancent à travers un périple qui les mènera aux quatre coins de leur contrée, portés par leur seule foi en l’autre. Ce lien indissociable entre l’ainé et son cadet est d’ailleurs ici au centre même du jeu, puisque Brothers impose au joueur de contrôler les deux frères à la fois. Un stick pour le mouvement et une gâchette pour les actions constituent l’intégralité du gameplay, à gauche pour le grand et à droit pour le plus jeune.
Une mécanique de jeu ultra simple mais jamais simpliste, et qui se renouvelle brillamment tout au long de l’aventure, au travers de phases de jeu intelligemment conçues pour mettre en lumière l’importance de la relation entre les deux frères. L’action ne se concentre jamais sur l’un ou l’autre, toujours sur les deux à la fois. Même quand un fossé ou un obstacle les séparent, en aucun cas l’un des deux ne sera absent de l’écran. Si la prise en main est un peu déroutante de prime abord, une fois les commandes assimilées Brothers se joue de façon complètement intuitive, avec une souplesse surprenante. La progression, elle, est fluide et naturelle. Grâce à d’astucieux mouvements de caméra, la route à suivre est subtilement mise en avant ; l’écran de jeu se paie donc le luxe d’être parfaitement vierge. Aucun texte, aucun dialogue, aucune indication ne viendront perturber la mise en scène. En ce sens, le rythme est excellent ; phases d’analyse de situation et de progression s’enchaînent avec une fluidité exemplaire, le tout entrecoupé ci et là de très courtes cinématiques. Souvent, entre deux dangers surmontés, les deux frères pourront s’assoir sur un banc et simplement contempler les paysages environnants. Une façon maline, aussi, de montrer le chemin vers la prochaine étape de façon spontanée, sans artifices.
Ce parti pris de laisser la mise en scène au coeur du jeu est assurément l’une des grandes forces du titre. Co-réalisé par le cinéaste suédois Josef Fares, le titre de Starbreeze brille surtout car il est affranchi justement de tout excès d’effets cinématographique. Brothers raconte l’essentiel de son histoire à travers ses phases de jeu, toutes pensées pour que seule la coopération soit mise en avant. Chaque nouvelle étape dans le périple des deux frères sera l’occasion de renouveler la façon dont on exploite les mécaniques de gameplay, et c’est à travers elles que l’épopée de la fratrie prend sens. Toutes les actions sont pensées pour ne pouvoir être réalisées qu’à deux, faisant de Brothers un jeu coopératif… qui se joue tout seul. Chaque fossé, piège ou ennemi devra être appréhendé avec l’esprit d’équipe, la force du duo résidant dans ce lien fraternel qui les lie l’un à l’autre. Ce lien, c’est le joueur qui l’incarne, une responsabilité précieuse tant on ressent à chaque action un amour d’une beauté rare entre les deux frères, un amour viscéral capable de leur faire surmonter les pires situations. Un lien fragile aussi, qui implique profondément le joueur dans ce périple, et c’est là toute la magie du titre. Qui a la chance d’avoir un frère appréciera d’autant plus ce que le jeu transmet comme émotion à travers le gameplay liant les deux frères. Brillant.
Esthétiquement proche de certaines adaptations des frères Grimm, la proximité de Brothers avec l’univers des contes n’est pas que visuelle, puisque la narration et les thématiques abordées empruntent elles aussi beaucoup au genre. Et comme dans tout bon conte, l’action se situe dans un lieu où l’on parle un dialecte inconnu, où il n’est pas surprenant de croiser Géants, Chimères et Loups mangeurs d’enfants. Un monde rural, où l’homme n’a pas eu encore eu raison de la végétation, parée ici de ses plus belles couleurs automnales. Ces teintes oranges, grises et marrons couplées à la discrète bande-son créent une ambiance calme et très mélancolique, où la majestueuse nature fait office de protagoniste à part entière. Si le grand-frère mesure pleinement la dangerosité de leur aventure, son cadet lui respire l’insouciance, peu impressionné par les sentiers abîmés et la dureté très minérale du chemin à parcourir. Car à la tranquille campagne d’où partiront les deux frangins succèderont rivières déchaînées, cavernes lugubres, et coteaux escarpés, avec cette rocaille dure et inamicale comme seul fil rouge.
Sans être spécialement brillant, Brothers possède toutefois un style assez unique, porté par une direction artistique pittoresque et cohérente d’un bout à l’autre du jeu. Techniquement, à part un aliasing prononcé sur les ombres, le jeu est propre, l'Unreal Engine 3 remplissant parfaitement son office. Discrètes, les compostions musicales sont souvent en retrait pour ne pas étouffer l’image et laisser le gameplay parler, quitte à laisser le joueur au milieu d’un silence inquiétant de solennité. Un choix de mise en scène couillu mais totalement pertinent, parfaitement en accord avec la volonté de laisser le jeu au centre de l’attention. Aucune fausse note de ce côté là non plus!
Brothers est un conte magique, proposant une aventure épique pleine de surprises, de rencontres hautes en couleurs et de pics émotionnels inoubliables. Exemplaire par sa mise en scène centrée autour des mécaniques de jeu, original par son gameplay et bourrée d’idées neuves du début à la fin, c’est assurément l’une des plus belles pépites indés de la génération. En lui confiant la noble responsabilité d’incarner cet intense lien fraternel, Brothers implique émotionnellement le joueur dans une histoire touchante, dramatique et profondément humaine. Court mais d’une intensité peu commune, Brothers a définitivement tout d’un très grand jeu. Un must-have.
DATE DE SORTIE : 07/08/2013
CONSOLE : Xbox 360 (existe sur PS3 et PC)
VERSION: Dématérialisée
HEURES DE JEU: 5 environ
ON-LINE: Non
DLC: Non
MICROTRANSACTIONS: Non
J'ai beaucoup aimé : - Un conte surprenant - Jamais répétitif - La mise en scène - L'amour des deux frères - Intense...
J'ai moins aimé : - ...mais un peu court - Du coop à 2 aurait été cool
Retrouvez une version agrémentée de photos et de vidéos sur mon (game)Blog: https://www.gameblog.fr/blogs/BriocheetMaela/. D'autres articles vous y attendent